13 Sep | Actualités

Début de saison et dix ans au FC Lorient, entretien avec Loïc Féry

Loïc Féry, président du FC Lorient, aborde au cours de cet entretien le début de saison des Merlus mais aussi ses dix ans à la tête du club morbihannais. Retour, en toute sincérité, sur dix saisons lorientaises. 

Monsieur Féry, comment vivez-vous ce début de saison 2019/2020 ?
En termes d’organisation, nous gardons le cap : un club structuré qui travaille en synergie avec toutes ses forces vives et favorise les ponts entre le groupe professionnel et le centre de formation. Un nouveau cycle a débuté avec l’arrivée du nouvel entraîneur du FCL, Christophe Pelissier, qui correspond à nos attentes sportives et humaines. Au-delà du début de saison encourageant obtenu avec la manière et porteur d’espoir, j’ai perçu lors des premiers matchs à la maison l’enthousiasme du public et un Moustoir prêt à s’enflammer et à jouer son rôle de « 12ème homme » tout au long de cette saison, comme lors du derby face à Guingamp. Près de 14 000 supporters sont venus encourager nos Merlus et c’est un immense plaisir de retrouver l’atmosphère unique des grandes heures. Tout le monde aurait préféré que la fête se poursuive sur le terrain. Cette défaite rappelle, comme le répète Christophe Pelissier depuis sa venue, que rien n’est acquis et qu’il faut se battre sans relâche dans ce championnat serré. Cela dit, elle ne remet aucunement en cause les espoirs offerts au mois d’août. Un début de saison, c’est aussi le mercato, dont nous sommes satisfaits. De ce point de vue, je salue l’énergie collective et l’unité qui a régné au sein du club.

Justement, quel bilan faites-vous de ces trois mois de mercato ?
Il représente de longs mois d’un travail d’équipe. Avec Christophe Pelissier, Fabrice Bocquet et Christophe Le Roux, nous avions érigé une ligne directrice avant son ouverture et nous nous y sommes tenus. Nous estimons ce mercato réussi puisque nous avons pu apporter du caractère à l’effectif en plus de la qualité nécessaire pour réaliser une saison performante et à hauteur des attentes. Certains de nos nouveaux joueurs étaient des cadres et des leaders dans leurs anciennes formations, et je suis sûr qu’ils vont nous apporter leur expérience de Ligue 2 cette année. Des jeunes joueurs, issus de notre Centre de Formation ou venus en prêt pour progresser, auront aussi leur rôle à jouer dans cette saison.

Alexis Claude-Maurice a également rejoint l’OGC Nice.
Alexis fait partie des joueurs les plus talentueux que nous ayons eus au FC Lorient. Malgré ses 21 ans, il connait la notion d’engagement et nous avons vu lors de sa dernière apparition avec les Merlus qu’il y tenait. Nous lui avions donné un bon de sortie, à la condition logique que tout le monde s’y retrouve. Ce joueur sait ce qu’il veut et a tracé les étapes de sa carrière, il a refusé des clubs de Premier League pour privilégier une étape intermédiaire. Nous sommes heureux pour Alexis à qui nous souhaitons évidemment le meilleur. Au final, le FC Lorient s’y retrouve aussi en ayant protégé ses intérêts et son avenir. Cela offre par ailleurs une mise en valeur notoire des jeunes du centre et sonne comme une nouvelle récompense pour les efforts de la formation lorientaise.

Monsieur Féry, vous fêtez vos 10 ans de présidence chez les Merlus cette année. Quel est le souvenir le plus marquant lors de votre arrivée ?
Cela commence à dater, mais je me rappelle que je suis arrivé avec beaucoup d’envie et un peu d’ambition : l’envie de bien faire, l’envie aussi de comprendre les rouages de l’univers du foot professionnel. On peut l’oublier, mais je n’avais que 35 ans et n’étais absolument pas préparé à l’engouement autour du FC Lorient. J’ai connu quelques grands moments de solitude quand les micros se tendaient vers moi au moment des premiers matchs ou conférences de presse… Mes enfants, aujourd’hui ados, ont dernièrement visionné les interventions de leur père à ses débuts, ils ont bien rigolé devant certaines d’entre elles !

Quels sont vos meilleurs souvenirs au club ?
Les bons souvenirs sont nombreux et difficiles à classer. Il me vient tout d’abord l’ambiance des derbys à la maison. Un Moustoir plein, fourni des nombreux drapeaux du club et de Gwenn ha Du, qui fédère les enthousiasmes. J’espère que nous vivrons de nombreux moments similaires dans un futur proche. Je pense aussi au haka de Ludovic Giuly, pendant la présentation de l’équipe devant nos supporters regroupés dans la tribune sud en 2012. Un vrai show !

Le fameux haka de Ludovic Giuly lors de la soirée des abonnés en septembre 2012

Concernant des souvenirs précis de matches, je ne surprendrai personne en disant que je préfère gagner et que les souvenirs des grandes victoires gardent une saveur spéciale… aussi bien à la maison que chez l’adversaire. Je n’oublie évidemment pas les soirs de grandes performances à l’extérieur, comme au Parc des Princes contre le PSG (notamment le 3-0), à Rennes avec les deux buts incroyables de 40 mètres d’Alain Traoré, le 4-1 à Lyon ou encore à ce scénario renversant qui nous permet à Nancy de gagner 3-2 après avoir été menés 2-0. Entre soulagement, émotion et joie, je revois ces instants privilégiés dans le vestiaire à Nantes avec Sylvain Ripoll et Patrick L’Hostis. Avant-dernière journée 2014/2015, Sylvain solde sa première saison d’entraîneur en assurant le maintien en Ligue 1 au FC Lorient. Les joueurs qui m’arrosaient de champagne pour fêter ce moment ont dû aussi subir ma réplique immédiate avec quelques bulles : un après-match effervescent et inoubliable.

La joie des Merlus dans le vestiaire de la Beaujoire en mai 2015

Quelle sont vos plus grandes émotions ?
Au Moustoir, chaque rencontre à guichets fermés procure des sensations vraiment particulières. Les joueurs adorent quand le public les pousse, j’avoue que j’aime aussi entendre nos supporters chauffer l’ambiance, vibrer pour les Merlus et encore plus faire résonner le stade plein. Côté adrénaline, je revois ce match d’anthologie contre l’OM qui nous assure quasiment le maintien en 2015 : la victoire 5-3 au Vélodrome, avec un scénario qui a chahuté nos émotions comme dans les montagnes russes.

Quels sont vos pires souvenirs ?
La soirée du match retour contre Troyes qui a scellé notre descente en Ligue 2, après une année difficile et un changement d’entraîneur en cours de saison. Quoi qu’on ait pu dire sur ce choix, Bernard Casoni a accepté d’entraîner une équipe relégable, est revenu de l’enfer à une journée de la fin et termine par un nul à la maison. Rappelons-nous que nous étions sauvés à la fin du temps réglementaire : c’est le but de Caen au Parc des Princes qui nous envoie aux barrages, et cela reste un vrai cauchemar !

Vous avez côtoyé Christian Gourcuff lors de vos cinq premières saisons au club. Que pouvez-vous nous en dire ?
Impossible de revenir sur cette décennie sans évoquer l’historique Christian Gourcuff. Lorsque que j’ai repris le club, Christian Gourcuff voulait partir et j’ai réussi à le faire prolonger quatre ans. Nous avons travaillé durant cinq saisons ensemble, dont quatre particulièrement agréables. J’entretenais une très bonne relation avec lui. Je crois d’ailleurs être un des présidents avec lequel il a collaboré le plus longtemps dans sa carrière. A moins de figurer parmi les géants, la règle de santé économique s’applique dans tous les clubs qui veulent perdurer. Pour « les petits » comme le FC Lorient, c’est même vital. Un entraîneur ne découvre pas ces nécessités d’équilibre à la clôture du mercato, contrairement à ce que l’on a pu lire ou entendre. J’ai toujours préféré traiter les malentendus ou désaccords en interne pour protéger l’institution, je continuerai dans la discrétion. En tout cas, rien ne justifie de mon côté que je renie les bons moments du passé ou les apports de chacun.

Quelle a été votre décision la plus difficile ?
Je l’ai souvent répété. De loin, ma décision la plus difficile et aussi la plus douloureuse a été la séparation avec Sylvain Ripoll. Le FCL venait d’enchaîner huit défaites sur les dix premiers matchs de la saison. Ce résultat posait question : très sincèrement, je ne suis pas sûr que j’apporterais la même réponse aujourd’hui. Sylvain Ripoll est une personne avec qui j’ai beaucoup apprécié travailler, que j’apprécie toujours beaucoup. Il incarne parfaitement les valeurs du FC Lorient et l’attachement à la Bretagne. Je me réjouis de sa réussite à la FFF et lui souhaite de confirmer ce parcours pour la suite.

Avez-vous une anecdote que vous n’avez jamais racontée ?
L’atelier couture ! Première journée et premier match de la saison 2009-2010. Le 9 août 2009 précisément. J’arrive à la gare de Lille et monte dans le taxi pour rejoindre le groupe. En sortant de la voiture, en me baissant, mon pantalon se déchire sévèrement. Il était inenvisageable de rater ce premier rendez-vous. J’opte donc pour le look défait qui ne m’empêche pas de fêter la victoire avec les joueurs (2-1, buts de Gameiro et Vahirua). Jusqu’ici, tout cela se passe au vestiaire. Mais le lendemain, impossible de raser les murs puisque la presse m’attend pour la présentation officielle. De retour à Lorient le soir du match, l’hôtel me prête un kit couture et j’ai dû m’abandonner à l’ouvrage « couture » pour lequel je n’affiche pas plus d’expérience que de talent ! Pendant que l’Interceltique battait son plein dehors, ma première action en tant que nouveau président des Merlus a été de m’initier au FIL avec une aiguille… !

Quel est votre plus grand regret ?
Participer à quatre demi-finales de Coupe (Bordeaux, Lyon, Evian, PSG) sans avoir le plaisir de mener notre public jusqu’au Stade de France. Les fidèles supporters se souviennent aussi bien que moi de la rencontre contre Lyon au Moustoir. Nous menions 2-0 à la 80ème minute puis 2/1 à la fin des arrêts de jeu. Tout le stade y croyait et chantait « On est en finale ! ». Malheureusement, Lyon a quand même fini par égaliser… Après les prolongations, l’OL gagne 4-2 : autant dire que ce dénouement a brisé l’euphorie. Nous avons une revanche à prendre avec le destin.

Quel est votre plus grande satisfaction ?
Mon premier objectif en arrivant était de professionnaliser le club et de construire les fondations qui permettraient de le pérenniser au plus haut niveau. L’Espace FCL incarne cette démarche qui vise en même temps le développement d’infrastructures et une politique de formation. Réunir toutes les équipes dans ce même espace marquait aussi le premier pas vers une quête d’unité. Vous ne m’entendrez jamais dire que j’ai tout bien fait durant ces 10 premières années au FCL, mais je suis fier d’avoir réussi cette impulsion plus que symbolique et d’offrir des conditions de travail privilégiées à l’ensemble des salariés. Ceux qui nous rendent visite envient d’ailleurs le cadre et les équipements, que la proximité avec le bord de mer rend encore plus appréciables. J’évoquerais aussi la réussite de certains joueurs. Je pense notamment à Gameiro, Amalfitano et Koscielny. Ils ont effectué de brillants passages chez nous avec l’ultime récompense de porter le maillot de l’équipe de France par la suite. Leur réussite représente une réelle fierté et prouve que le FC Lorient est un véritable révélateur de talents. Mattéo Guendouzi, formé au club, fait aussi partie de ces joueurs qui représenteront les Merlus sur les pelouses internationales.

Comment définiriez-vous le FC Lorient ?
Un club breton ancré dans son territoire et fier de ses racines, avec un esprit familial et des valeurs fortes. Le fait de réaliser cette année la photo officielle au port de pêche de Lorient montre bien l’attachement des supporters aux origines du club, un très beau clin d’œil que je soutiens à 100%. Également l’attachement de la 95ème ville de France pour son club, qui fêtera bientôt ses 100 ans et qui s’est installé dans la durée parmi les 30 meilleurs clubs français, notamment en axant sa politique de développement autour de la formation des jeunes.  Un club que je souhaite toujours plus joyeux, plus festif, plus ambitieux et plus proche des Lorientais.

Que préférez-vous faire avant un match ?
Avant le match, mon rituel au Moustoir est de taper dans les mains des enfants qui accompagnent les joueurs pour leur entrée sur le terrain. Systématiquement, je leur demande qui va gagner. Des yeux remplis de rêve me répondent en criant « Lorient ! » : à chaque fois, un vrai moment de bonheur. Quand je le peux, j’apprécie d’arpenter les coursives où nos supporters refont le monde et les matchs. En période de mercato, chacun me donne sa liste du Père-Noël et toutes les consignes pour bien recruter. Ils ne manquent pas d’idées…

Qu’est-ce qui est le plus difficile pour un président ?
Je note que la fréquence de tweets destinés au président augmente quand les défaites s’enchainent ! Un dirigeant doit accepter ce rôle de responsable et assumer les résultats. Je pense l’avoir fait au moment de la descente, sans fuir l’autocritique et en prenant rapidement des décisions pour relancer la dynamique. Même si ce n’est pas agréable, je peux encaisser les chocs, et je sais entendre la passion derrière les protestations. Mais cela peut être plus difficile pour l’entourage familial qui n’a pas choisi et subit indirectement les mots. Alors, j’avoue que j’apprécie quand un supporter m’écrit parce qu’on a gagné ou pour souligner un mercato réussi. J’apprécie surtout le dialogue et je trouve important de le maintenir dans les périodes plus tendues. La vie d’un club de sport professionnel implique de gérer des cycles en gardant la même passion. Le football ne tenant aucune promesse et pouvant se montrer impitoyable, il faut toujours s’attendre à traverser des périodes compliquées qui permettent de mieux savourer les joies. Savoir affronter les tempêtes en gardant le cap d’une météo clémente et en choisissant bien ses hommes : clin d’œil aux Bretons, mon rôle de président s’apparente à celui d’un capitaine de bateau. Après 10 ans de navigation, disons que je peux plus facilement lire l’horizon…

Et si c’était à refaire ?
Si c’était à refaire, je resignerais. Et je resignerais à Lorient. Ici, j’ai tissé des complicités et des liens d’amitié avec des personnalités authentiques qui font désormais partie de ma vie. Ma femme est une ancienne sportive professionnelle : c’est une chance pour moi qu’elle comprenne mon engagement au FCL, et le temps que j’y consacre au détriment, parfois, de notre famille.

Qu’est-ce qui vous motive avec le club ?
On me demande parfois si le fait que le club évolue en Ligue 2 m’en éloigne. Mon attachement au FC Lorient reste intact et je suis d’ailleurs venu plus souvent ces deux dernières années que les années précédentes en Ligue 1. Au Moustoir, je croise des vrais passionnés dont la fidélité encourage et stimule. Ceux qui me fréquentent sur un terrain de foot ou un court de tennis (sports que je pratique en amateur) connaissent mon esprit compétiteur. Donc forcément, je veux gagner des matchs… Du coup, j’apprécie le discours de Christophe Pelissier qui coïncide parfaitement avec cet appétit. Je suis convaincu que le travail sans relâche de toutes les équipes permettra à nos Merlus de rejoindre l’élite à un moment donné. Dans tous les cas, au-delà de l’enjeu du résultat, soignons la manière. Je reviens à l’émotion et au plaisir que nous voulons offrir à tous les amoureux du FC Lorient.

Quels sont vos objectifs pour les 10 années à venir ?
Récemment, j’expliquais aux Merlus Ultras que viser le haut niveau nécessite de mettre en œuvre sur la durée des moyens parfaitement en ligne avec l’ambition, les objectifs, et le projet global du FC Lorient : une équipe de direction compétente et organisée, une gestion saine et efficace, des équipements à la pointe, et un centre de formation performant. Après la descente, le FC Lorient a conservé tout son effectif administratif, continué à investir lourdement dans ses infrastructures, assuré des mercatos ambitieux et lancé des jeunes dans le grand bain. Ce cap, nous nous donnons au quotidien les moyens de le suivre. Réussir à faire venir un coach de Ligue 1 n’est pas le fruit du hasard et montre que notre club conserve toute son attractivité. Les résultats sportifs ont déçu la saison passée, mais ils n’effacent pas le travail réalisé par les équipes et Mickaël Landreau. Nous continuerons à avancer dans cette voie, avec la perspective de la construction du terrain de compétition pour l’équipe réserve à Kerlir, et en espérant que notre stade du Moustoir puisse enfin être complètement rénové.  La formation fait partie de notre ADN et le travail mené par les forces vives du club doit trouver sa récompense en installant le FC Lorient dans la durée parmi les meilleurs centres français. Tous ces efforts visent évidemment un point d’orgue, celui qui nous rassemble chaque soir de match et pourra nous conduire à retrouver l’élite. Je formule aussi le vœu de partager avec nos supporters une finale de Coupe au Stade de France, avec l’espérance de remporter ce trophée dans le Morbihan. Au cœur de toutes nos ambitions se tient le public. En priorité donc, que nous prenions tous du plaisir au quotidien. Le FC Lorient mobilise ses énergies pour assurer sereinement l’avenir et être en mesure d’offrir des moments de bonheur à tous ses amoureux, salariés, partenaires et supporters.

Les moments forts mentionnés par Loïc Féry

 

 

 

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